"Une musique sans redondance ni bavure, une musique râblée, saine, optimiste, une musique qui va."

Pierre-Octave Ferroud

Pierre-Octave Ferroud et la société « Triton / Musique contemporaine » par B. BERENGUER

La contribution de Vladimir Stoupel sur la Sonate pour Violon et Piano

Friedemann Ludwig et la Sonate pour Violoncelle et Piano

Edito

S’il était né à notre époque, le compositeur Pierre-Octave Ferroud (1900-1936) aurait aussi été un pionnier d’Internet ou un influenceur de tendances. Compositeur reconnu et friand d’inventions techniques susceptibles de renouveler le sens de la création artistique, remarqué dès 1923 par la maison Pleyel pour son intérêt pour les supports musicaux enregistrés, il ne cessera tout au long de sa vie de partager l’innovation musicale de son époque notamment par les enregistrements des concerts qu’il organisait et ses conférences pour la radio, qui en était à ses débuts.

Au panthéon des compositeurs français d’entre-deux-guerres

Né en 1900, sa vie aura été sous le signe de la création musicale et de sa diffusion. Il aura fallu un tragique accident de voiture en 1936 pour stopper son infatigable énergie.

Rompu à l’orchestration dès son plus jeune âge avec ses premières compositions autour de 14 ans, élève de Florent Schmitt, Guy Ropartz, Edouard Commette notamment, il est avant tout compositeur d’une musique résolument « contemporaine », en rupture avec le magistral et le grandiose et qu’il qualifie lui-même : « sans redondance, ni bavure, une musique râblée, saine, optimiste, une musique qui va ». Féru de rimes qu’il manie à loisir, il écrit aussi pour le théâtre, le ballet et met en musique des poètes. Plusieurs de ses partitions ont poursuivi leur œuvre sensible jusqu’à nos jours et n’ont cessé d’être jouées : Foules, Au parc Monceau, Jade, Bergère captive, Sarabande… Beaucoup d’autres méritent de reconquérir nos oreilles.

Un homme au magnétisme incontestable

A côté de son art, il se fait rapidement connaître comme critique musical infatigable. Pas un concert ne lui échappe, il écrit quasiment tous les jours dans la presse et sa femme Jolaine Ferroud, née Hélène Coullet, l’accompagne dans tous les évènements musicaux et lui permet parfois d’avoir le don d’ubiquité… Sur ces vieux jours, elle avoua qu’elle et son mari se partageaient souvent les concerts à écouter dans une même soirée, chacun partait de son côté et prenait des notes, puis ils se retrouvaient à minuit chez eux, écrivaient ensemble, « lui » signait, puis le coursier arrivait sur les coups de 2h et l’article partait à la presse dans la nuit pour être dans les kiosques au petit matin. Ainsi résonnaient jusqu’au lendemain les concerts parisiens dans l’entre-deux guerres….
Mais ce que l’histoire a surtout oublié, c’est l’initiative qui lui revient d’avoir créé « Triton », société de concerts qui œuvra essentiellement à la Salle Cortot. Cette association de compositeurs prestigieux et d’amoureux de la musique a eu pour but de développer collectivement, mais toujours guidée par son énergie, l’immense créativité musicale de l’entre-deux-guerres en France mais aussi dans toute l’Europe. Plaçant son talent au côté de celui de ses contemporains, Pierre-Octave Ferroud a été infatigable pour organiser des concerts innovants et faire connaître son œuvre mais surtout celle des autres compositeurs de son temps. Voir pour plus de détail dans la rubrique Triton.

Une soif de partage à l’origine de sa créativité

Nous avons choisi d’illustrer cette première page par ce trio représentatif de ce qu’il a été pour son entourage. A gauche, Pierre-Octave Ferroud lui-même, âgé de 30 ans. A droite, son ami le peintre et directeur du Salon d’Automne de Lyon : Pierre Combet-Descombes pour qui il organisa des concerts à Lyon. La présence de cet ami et collaborateur dans ce tête à tête à trois illustre au plus juste son sens de l’amitié, de l’échange et de la fraternité car sa vie aura été rythmée par les rencontres, les échanges, la générosité et la volonté de « donner sa chance à chacun ». A la place du peintre sur cette photo auraient pu figurer de nombreux autres visages d’amis, de collaborateurs et à peu près tous les grands noms de l’art de cette époque. Voir la rubrique « son entourage ».

Enfin, au centre se trouve son épouse, Jolaine Ferroud, qui fit plus qu’accompagner son appétit vital et créatif. Elle aura été un pilier aimant, patient et finalement indissociable de son œuvre au sens large par son implication quotidienne dans sa vie professionnelle et relationnelle, par son goût de l’avant-garde musicale, artistique et littéraire et sa sensibilité visionnaire qui firent d’elle une muse et une co-équipière à tout niveau.

La créativité, l’amitié, l’engagement, le goût du nouveau et de l’innovation technologique, le goût de la vie vécue intensément et à toute allure, mais aussi l’impétuosité, l’humour, la force de travail, l’hyperactivité voilà des traits de caractère qui définissent bien Pierre-Octave Ferroud. Il les aura mis à la disposition de ses contemporains en mettant tout son cœur dans le développement d’une effervescence musicale partagée, sans jamais s’arrêter à aucune frontière, parcourant inlassablement la France et l’Europe, jusqu’à la Hongrie dont il ne revint jamais, à la recherche des compositeurs de l’Est et pour faire sonner la musique française, y compris la sienne, jusqu’aux confins de l’Europe et au-delà.

En cela aussi, sa créativité résonne jusqu’à nous aujourd’hui dans la mesure où il a très largement œuvré à faire connaître ceux qui sont devenus les grands noms de l’entre-deux guerres et d’après : Poulenc, Honegger, Martinu, Bartok, Stravinski, Prokofiev et tant d’autres…. (voir la rubrique  » Triton / Programmes « )

Que sa mémoire ici ravivée puisse inspirer aussi bien individuellement que collectivement. C’est du moins ce que nous espérons par l’interactivité de ce site qui lui est dédié par la famille Ferroud et par la mise à disposition de son fonds d’archives qui se trouve aujourd’hui à la Bibliothèque La Grange-Fleuret à deux pas du …. Parc Monceau